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Revue des droits et libertés constitutionnelles

Revue des droits et libertés constitutionnelles

Chaque semaine, des articles, interviews, enquêtes sur les droits et libertés constitutionnelles seront produites par les étudiants en droit public.


La libre administration des collectivités territoriales : réalité ou mythe ?

Publié par C-Net ! sur 11 Novembre 2020, 15:26pm

Source : www.oise.gouv.fr

Source : www.oise.gouv.fr

Les grands fondements régissant les collectivités territoriales

 

 

Le modèle d'État centralisé hérité de la révolution et de l'empire a longtemps été populaire au sein des territoires français. On a souvent énoncé qu’il avait eu besoin d’un pouvoir fort est centralisé pour se faire, et que désormais, il avait la nécessité d’un pouvoir décentralisé pour ne pas se défaire. Lors de l’élection présidentielle de 1981, François Mitterrand et le Parti socialiste avaient proposé un texte à orientation politique appelé « les 110 propositions de la France ». Ils stipulaient en son article 54 que « La décentralisation de l’État serait une priorité ». La décentralisation, est alors mise en place à travers différentes étapes, dont la plus importante reste la « loi Defferre » du 2 mars 1982. Cette loi est relative aux droits et libertés des trois catégories constitutionnelles des collectivités territoriales, énoncés à l’article 72 de la Constitution (des communes, des départements, des régions). La décentralisation consiste à transférer des compétences administratives de l’État, vers des entités ou collectivités locales distinctes de lui. En France, elle a été mise en place par une loi du 6 février 1992 relative à l’administration territoriale de la République. Cela a été ensuite consacré lors de la révision constitutionnelle du 17 mars 2003 dans la Constitution, l’article 1er qui disposant que « l’organisation [de la République française] est décentralisée. »

Les collectivités territoriales(collectivité locale), sont des circonscriptions administratives, dotée d’une personnalité morale de droit public. Elles font partie du territoire d’un État qui dispose d’une certaine autonomie administrative et patrimoniale. Cependant, la Constitution du 4 octobre 1958, vient poser les grands principes de la décentralisation, dont les plus importants sont : le principe d’autonomie et le principe de libre administration.

Tout d’abord, le principe d’autonomie se dissocie en trois branches. En premier lieu, comme mentionné ci-dessus, les collectivités territoriales sont des personnes juridiques distinguent de l’État et sont des personnes morales de droit public. Ainsi, elles disposent en tant que telle d’une « autonomie juridique », qui leur permet de mener des actions en justice, et d'intenter des poursuites. En deuxième lieu, ces collectivités disposent d’une « autonomie organique ». Cela signifie que sa gestion et ses actions sont soutenues par des conseils élus (conseils municipaux, conseils régionaux, conseils départementaux, etc.). Étant donné que ces conseils ne sont pas nommés par le pouvoir central, mais par les résidents, ils peuvent conserver une plus grande indépendance et une plus grande liberté d'action. Cependant, les organes exécutifs, tels que le président du conseil départemental, le président du conseil régional et les maires, sont désignés par les organes délibérants au suffrage indirect, alors que les autorités administratives déconcentrées sont nommées par l’État (le préfet). Enfin, en troisième lieu, les collectivités territoriales disposent d’une « autonomie fonctionnelle ». Cela signifie que grâce à leurs pouvoirs de délibérations, elles peuvent gérer leurs affaires propres. De plus, ces collectivités territoriales, bénéficient d’une « clause générale de compétence ».Cela leur donne une compétence d’intervention générale , sans qu’il soit essentiel que la loi procède à une énonciation de ses attributions. Par conséquence, cette clause leur permet donc, de se saisir de toute question d’intérêt local, même en l’absence de texte lui en donnant explicitement compétence, dès lors qu’elle n’empiète pas sur une compétence relevant d’une autre collectivité. Cependant, la loi portant la nouvelle organisation territoriale de la République, promulguée le 7 août 2015, a supprimé cette clause générale de compétence pour les départements et les régions. Et l’a conservée uniquement pour les communes (Art. L2121-29 CGCT). Ainsi, elles leur substituent des compétences précises et définies, que la loi accorde limitativement aux régions et départements. Enfin, cette clause a un double effet sur les communes. Premièrement, elle dissocie les aptitudes de l’organe exécutif de celles de l’organe délibérant, en donnant à ce dernier une compétence de principe. Secondement, elle devient protectrice de la collectivité contre toutes formes de préjudices venu de l’État ou des autres collectivités.

Ensuite, le principe de libre administration des collectivités territoriales est entériné par l’article 72 de la Constitution française « Dans les conditions prévues par la loi, les collectivités s’administrent librement par des conseils élus et disposent d’un pouvoir réglementaire pour l’exercice de leurs compétences ». Cette compétence ainsi définie constitutionnellement consacre le principe, mais laisse au juge constitutionnel le devoir d’en déterminer les champs d’application. En effet, la notion de libre administration ainsi définie dans la Constitution est un principe abstrait, et nécessite l’intervention de la loi, pour en préciser le contenu sous contrôle du juge constitutionnel. La Constitution met en place les contours de ce principe. Cependant la mise en place ce dernier n’a était sans conséquence, car le Conseil Constitutionnel a dû en déterminer le contenu.

La consécration du principe de libre administration

Le juge constitutionnel a donc dû définir des principes afin de protéger et encadrer la libre administration des collectivités territoriales.

Cette liberté sous-entend une indépendance par rapport au pouvoir exécutif. Pour cela, seule la loi peut interférer dans les décisions des collectivités territoriales ou dans la garantie procédurale. La jurisprudence constitutionnelle admet que seule la loi peut imposer une sujétion des collectivités, ce qui vient limiter les atteintes du pouvoir réglementaire national. Le Conseil constitutionnel vient donc sanctionner l’incompétence négative de la loi : c’est-à- dire les éléments législatifs qui limitent les pouvoirs des collectivités territoriales de façon injustifiée.

Le juge constitutionnel place sous garantie du pouvoir législatif le principe de libre administration. Cela donne un rôle important au pouvoir législatif puisqu’il contrôle la liberté d’agir des collectivités. Ce contrôle doit cependant être limité afin de consacrer l’indépendance du principe de libre administration. Le Conseil constitutionnel par sa décision du 23 mai 1979, « Territoire de Nouvelle Calédonie », a encadré ce pouvoir législatif en donnant au principe de libre administration une valeur constitutionnelle. De ce fait, ce principe est même devenu une référence pour contrôler les lois. Elles ne doivent pas venir entraver à cette notion.

Comme on le voit dans la décision ci-dessus, c’est au cas par cas, que le juge constitutionnel va devoir déterminer de façon plus précise les contours de ce principe. En effet, la Constitution a donné a priori les limites maxima et minima et laisse au conseil constitutionnel le soin de préciser les champs d’application et les limites de la loi. Plus le juge constitutionnel sera saisi, plus le principe sera défini. C’est l’une des principales difficultés de la mise en œuvre et de la reconnaissance de ce principe de libre administration.

Dans ses différentes décisions, le juge constitutionnel a pu définir les grands principes des limites supérieures d’intervention du domaine législatif sur la libre administration des compétences territoriales. L’une des plus importantes est le caractère unitaire de l’État. En effet, le principe de libre administration peut apparaitre paradoxal avec le caractère unique et indivisible de la République française. Pour la jurisprudence constitutionnelle la libre administration concerne surtout la libre gestion des collectivités territoriales. Cela sous- entend une autonomie qui s’illustre dans la liberté d’organisation des élections des conseils. Dans sa décision du 14 janvier 1999, le Juge constitutionnel vient consacrer la liberté d’organisation et de fonctionnement des collectivités. Le domaine législatif ne peut intervenir dans l’organisation et le fonctionnement des collectivités. Ce domaine leur est réservé. Par exemple, le juge constitutionnel est venu supprimer certaines dispositions privant les collectivités territoriales de la libre nomination de leurs agents. Il y a bien une capacité réelle de décision dans la gestion de leurs propres affaires. En ce sens, elles doivent avoir également des compétences matérielles larges afin de pouvoir agir réellement.

En effet, afin de garantir l’autonomie financière des collectivités, le pouvoir législatif ne peut supprimer ou restreindre les recettes globales ou fiscales de ces dernières. Son intervention dans le domaine financier des collectivités est limitée et doit être faite avec précision, répondant à des exigences constitutionnelles ou d’intérêt général. Cependant, aucune décision n’a été prise en ce sens.

Les collectivités territoriales ont donc le pouvoir de s’administrer librement sans interférer avec le pouvoir exécutif, législatif et judiciaire. En 2003, lors de la révision Constitutionnelle, la reconnaissance d’un pouvoir réglementaire leur a même été attribué, tout en étant très limité. C’est par exemple l’attribution au maire des pouvoirs de police.

Le Conseil constitutionnel reste le garant du principe de libre administration même si son rôle a surtout été de limiter le pouvoir législatif plutôt que de conférer une réelle autonomie aux collectivités.

Une fois l’autonomie par rapport au pouvoir étatique établie, il faut protéger le principe de libre administration des mises sous tutelle des différentes collectivités entre elles.

C’est la loi du 7 janvier 1983, qui prévoit que « La répartition des compétences entre les communes, les départements, et les régions ne peut autoriser l’une de ces collectivités à établir ou exercer une tutelle, sous quelque forme que soit, sur une d’autre d’entre elles ». Cependant cette notion a soulevé plusieurs problématiques.

Le cas particulier de la Corse, une collectivité à statut dérogatoire

Comme nous l’avons vu précédemment, les collectivités territoriales doivent respecter les principes que la Constitution lui incombe. Cependant, le cas de la Corse semble plutôt complexe. Après plusieurs essais législatif, son statut est né. En effet, de par sa position géographique et son histoire, elle est devenue “une collectivité particulière”. Tout comme les collectivités outre métropolitaines, elle dispose d’un statut distinctif.

Tout d’abord, il semble acquis que la Corse est une collectivité territoriale particulière s’appuyant sur les dispositions de l’article 72 alinéa 1er de la Constitution actuelle. Cet article dispose que : « Les collectivités territoriales de la République sont les communes, départements, les territoires d’outre-mer. Toute autre collectivité territoriale est créée par la loi. »

Longtemps le statut de la Corse a fait débat. A la suite de plusieurs lois portant sur l’organisation de cette collectivité, il en ressort que la Corse doit respecter tous les principes liés à la constitution de la France. La Constitution française partage le lien d’unicité sur tout le territoire, bien que la décentralisation en soit fonction. C’est la loi n°82-214 du 2 mars 1982 portant statut particulier de la Corse, en fait une collectivité spécifique. Depuis lors, plusieurs lois se sont succédées afin d’affiner le statut de la Corse. Par exemple, l’une des dernière en date c’est la « la loi NOTRe de 2015 », qui est venu supprimé la clause générale de compétence. De plus, cette loi accorde un statut particulier à la Corse, en la nommant comme « La collectivité de Corse ».

Après tous ces débats, il en ressortira de la jurisprudence juge constitutionnel que cette dernière devra d’autant plus concilier le principe de libre administration des collectivités que les prérogatives de l’État. Comme nous l’avons déjà explicité, le principe de la libre administration s’applique à toutes les collectivités françaises. Cependant il ne faut pas assimiler le statut de la Corse à celui des territoires d’outre-mer. Les collectivités d’outre-mer, ont la possibilité de déroger aux règles de répartition entre la loi et le règlement. Cette prérogative leur est admisse en raison de leur éloignement géographique. Cette dérogation est strictement interdite pour la Corse. De plus, la décision n° 91-290 DC sur le statut de la collectivité de Corse annonce que ce principe doit être appliquer au sein de son organisation. Ainsi la France est une République qui met un point d’honneur à l’unicité territoriale et organisationnelle. En effet la décentralisation ne fait pas des collectivités territoriales, des états fédérés qui prennent des décisions seulement pour le compte de leur territoire.

Un des éléments importants de ce principe consiste en la non-tutelle des collectivités sur une autre. Puisque chaque collectivité territoriale doit gérer sa collectivité sans être dépendante d’une autre. La Corse ne peut être mise sous la tutelle de la France, car elle fait partie intégrante du système républicain français. De la sorte, toutes les lois, règlements ou autres qui sont prises pour le compte de la Corse doivent être constitutionnellement conforme. La libre administration comme déjà explicitée pose une non-ingérance des autres collectivités au sein de son organisation. Même s’il est possible de voir parfois une forme d’entraide.

Ensuite l’idée du projet de loi constitutionnelle du premier ministre Édouard Philippe le 4 avril 2018 consisté d’insérer un nouvel alinéa à l’article 72 afin d’y faire figurer le terme de « statut particulier ». En effet est un abus de langage ou une habitude ? Mais le terme de « statut particulier » n’est pas explicitement écrit dans la constitution. Néanmoins ce projet a abouti en la création de la « collectivité de Corse » qui possède un statut particulier tout comme la « métropole de Lyon » (créer par une loi de 2014). Pour faire une telle révision de la Constitution, cela reviendrait à donner des prérogatives plus conséquentes à la Corse. De ce fait le statut de la Corse s’apparenterait légèrement à un état fédérer. Il faut pouvoir distinguer statut dérogatoire et autonomisation. La frontière entre les deux peut être mince. Une collectivité à statut particulier n’a pas tous les droits possibles. Elle reste partie intégrante du territoire français qui lui-même est régi par la constitution.

Camille CLAUZEL, Sarah HADDI, Laetitia BOSSO

Bibliographie

o https://www.conseil-constitutionnel.fr/nouveaux-cahiers-du-conseil-constitutionnel/la- libre-administration-des-collectivites-territoriales-est-elle-une-liberte-fondamentale La libre administration est-elle une liberté fondamentale ? Louis Favoreu, André Roux, mai 2002.

o https://www.conseil-constitutionnel.fr/la-constitution/la-decentralisation o https://www.conseil-constitutionnel.fr/nouveaux-cahiers-du-conseil-

constitutionnel/les-statuts-de-la-corse

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o https://www.collectivites-locales.gouv.fr/structures-territoriales

o https://www.oise.gouv.fr/Politiques-publiques/Collectivites-territoriales (image)

o https://www.vie-publique.fr/fiches/20105-la-clause-generale-de-competence-loi-notre- 2015

o https://www.vie-publique.fr/fiches/20150-le-statut-de-la-corse
o https://www.vie-publique.fr/fiches/20157-la-libre-administration-des-collectivites-

territoriales-contenu Quel est le contenu de la libre administration ? Vie publique. o https://www.senat.fr/rap/l00-033/l00-0333.html Proposition de loi constitutionnelle

relative à la libre administration des collectivités territoriales.

o https://www.youtube.com/watch?v=mM31-QLSkXE

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