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Revue des droits et libertés constitutionnelles

Revue des droits et libertés constitutionnelles

Chaque semaine, des articles, interviews, enquêtes sur les droits et libertés constitutionnelles seront produites par les étudiants en droit public.


L’usage controversé des armes dites de « Force intermédiaire » dans le cadre du maintien de l’ordre

Publié par C-Net ! sur 11 Novembre 2020, 12:56pm

Un policier vise des Gilets jaunes avec un LBD, à Paris place de l'Etoile, le 12 janvier 2019. Photo AFP

Un policier vise des Gilets jaunes avec un LBD, à Paris place de l'Etoile, le 12 janvier 2019. Photo AFP

Aujourd’hui forces de l’ordre et manifestants constatent un climat de forte tension lors des manifestations. En effet le maintien de l’ordre se fait dans des circonstances difficiles et éprouvantes pour les deux « camps ».

Beaucoup considèrent que le maintien de l’ordre, en France devient un principe antagoniste à l’exercice du Droit de manifester et bien avant la polémique des gilets jaunes le Défenseur des droits avait mis en lumière, en 2017, les problèmes liés à l’usage dangereux et excessifs des armes dites de force intermédiaire. Il avait même demandé la suppression de l’utilisation par les forces de l’ordre, de l’arme « lanceur de balles de défense », dite LBD, dans le cadre du maintien de l’ordre.

Par le caractère non létal des armes les forces de l’ordre sont très peu vigilantes et consciencieux lors de l’utilisation de celles-ci.

 

En effet la doctrine n’a pas à être changé selon le Défenseur des droits et libertés puisque le problème vient de la mise en œuvre de celle-ci par les forces de l’ordre. Il soulève ainsi de nombreux problème comme une absence réelle de formation et une trop grande disparité géographique du maintien de l’ordre.

Aujourd’hui il est urgent de trouver des solutions afin de redonner confiance en nos forces de l’ordre mais aussi de justifier convenablement l’utilisation de la force lors des manifestations puisque nous sommes le seul pays Européens à utiliser des armes « sublétales » sur nos manifestants.

 

La notion de maintien de l’ordre

Le maintien de l’ordre est soumis à une doctrine stricte et très spécifique à la France. Il est l’outil permettant de faire respecter l’objectif à valeur constitutionnel d’ordre public mais aussi d’accompagner et d’encadrer l’exercice de la liberté de manifester.

Le maintien de l’ordre est l’« ensemble d’opérations de police administrative et judiciaire mises en œuvre par des forces de sécurité a l’occasion d’actions organisé » (rapport MO-09- 01-18 de l’assemblé nationale). Dans la doctrine, on parle aussi du maintien de l’ordre « à la française », les CRS et les escadrons de gendarmerie mobile (EGM) sont normalement les deux seules équipes à être qualifiées pour le maintien de l’ordre lors de manifestations. Le maintien de l’ordre désigne soit une opération de service d’ordre public mobilisant des agents lors d’une manifestation (c’est-à-dire encadrer la manifestation), ou cela peut correspondre à une opération ou rétablissement de l’ordre public, et c’est dans ce cadre-là que la force va être utilisée.

En effet elle repose sur la conciliation entre l’ordre public et la liberté de manifester. Cette liberté est un droit protégé par les textes internationaux et nationaux, qui prévoient qu’elle peut faire l’objet de restrictions et de limite afin de préserver l’ordre public et préserver « notamment des atteintes à des personnes ou des biens qui répond à des objectifs de valeur constitutionnelle » (décision du Conseil Constitutionnel du 18 janvier 1995).

L’usage de la force repose sur un principe de proportionnalité, c’est à dire qu’il faut que son usage soit d’une absolue nécessité, proportionnel au but recherché et que l’usage soit gradué. Les forces de l’ordre doivent alors stopper son emploi lorsque les conditions ne sont plus réunies.

C’est ce que reproche le Défenseur des Droits et libertés, lors de l’utilisation des armes non létales, en effet il y a une distorsion marquée entre la doctrine et son applicabilité lors des manifestations.

 

L’utilisation dangereuse et excessive des lanceurs de balles de défense (LBD) : Une arme à supprimer ?

L’usage des armes dites de force intermédiaire n’est pas en principe une atteinte à la liberté de manifester.

Le recours à la force est encadré par le code pénal et le code de la sécurité intérieure. L’article R434-18 du code de la sécurité intérieure dispose que « Le policier ou le gendarme emploie la force dans le cadre fixé par la loi, seulement lorsque c’est nécessaire, et de façon proportionnée au but à atteindre ou à la gravité de la menace, selon le cas. Il ne fait usage des armes qu’en cas d’absolue nécessité et dans le cadre des dispositions législatives applicables à son propre statut ». L’article R.434-18, al. 1er et 2 du code de la sécurité intérieure, inclus dans le code de déontologie de la police nationale et de la gendarmerie nationale, prévoit une gradation entre l’usage de la force autorisé « seulement lorsque c’est nécessaire et de façon proportionnée au but à atteindre ou à la gravité de la menace ».

Ces armes sont utilisées afin d’éviter de recourir aux armes létales ou plus puissantes. Cela permet aux forces de l’ordre de faire face aux actes violents, de protéger les agents mais aussi des manifestants non violents qui souhaitent exprimer leurs revendications dans le respect des règles. L’usage des armes de force intermédiaire ne peut être utilisé lorsque d’autres moyens moins violents peuvent répondre aux objectifs poursuivis.

Pourquoi les armes LBD sont alors si critiquées ?

Malgré le fait que les LBD soient considérés comme non létales, ces derniers peuvent pourtant créer en cas de mauvaise gestion de l’arme de graves blessures et problèmes de santé envers les manifestants violents notamment des infirmités permanentes, ou voir des décès.

On remarque que la plupart des agents agissent individuellement en ignorant le cadre légal des armes imposé, c’est pour cela que le Défenseur des droits recommande que les agents obéissent sous ordre hiérarchique et en unité. C’est une arme trop puissante pour être utilisé par un « simple agent ».

On remarque qu’initialement ces armes sont dangereuses et inadaptées dans le contexte des manifestations où les débordements liés à leurs utilisations sont nombreux

Le Défenseur des droits pourtant « recommande d’interdire l’usage des lanceurs de balle de défense dans le cadre d’opérations de maintien de l’ordre, quelle que soit l’unité́ susceptible d’intervenir. »

Il recommande « une étude sur l’usage des armes de force intermédiaire, autres que les lanceurs de balles de défense, dans la gestion de l’ordre public, soient réalisés sous son égide ».

 

Les autres armes de forces intermédiaires : moins dangereuses ?

Par ailleurs, le LBD n’est pas la seule arme faisant défaut. On peut aussi critiquer le gaz lacrymogène qui a entrainé la mort d’une octogénaire à Marseille (l’agent ayant utilisé cette grenade lacrymogène n’a toujours pas été identifié). Cette dernière est selon Amnesty internationale, d’un usage abusif dans 22 pays, dont la France fait partie.

La France se retrouve en haut du classement des États utilisant le lacrymogène. Étonnant lorsqu’on sait que ce gaz produit du cyanure. C’est ce que révèle l’association toxicologie- chimie de Paris. Le rapport de l’association évoque la mort de Zineb Redouane (octogénaire de Marseille) et Steve Maia Caniço à Nantes en juin 2019.

Causant, de plus, des irritations et des écoulements des yeux, elles ont aussi des effets causant des problèmes respiratoires, des nausées, des vomissements, des douleurs thoraciques. Le problème étant qu’une personne ayant déjà des problèmes respiratoires est sujette à une aggravation rapide de son état sous l’effet du gaz, ce qui peut entrainer la mort.

La grenade de désencerclement fait partie aussi des armes intermédiaires, elle est tout aussi dangereuse mais autorisé. Des blessures graves sont à dénombrer tel que des mains arrachées, l’assourdissement définitif des personnes proche de l’explosion. Toutefois elle a été remplacé dernièrement par une grenade moins dangereuse selon Gérald Darmanin et désormais chaque tir sera soumis de l’accord d’un « superviseur » (pour les LBD et les grenades de désencerclement) « pour mieux évaluer la situation d’ensemble et désigner l’objectif ». Premièrement, si le gouvernement fait appel d’un superviseur, cet encadrement concerne les effectifs de sécurité publique et la BAC, car les CRS sont déjà sujette à un superviseur. Mais dès lors, les abus constatés durant les manifestations auraient été dans ce cas accepté par un superviseur.

Même si ces armes sont encadrées, il n’en demeure pas moins que leur utilisation a été durant les manifestations des gilets jaunes considérés comme abusif.

 

Un conseil constitutionnel absent

Dans un État de droit, le maintien de la sécurité est nécessaire à la garantie de la liberté. Le contrôle de l’équilibre à établir entre ces pans inséparables de notre démocratie est assuré par le juge des libertés fondamentales, le juge constitutionnel comme le juge administratif.

Toutefois l’usage de cette arme controversée utilisée par les forces de l’ordre n'est pas suffisamment encadré selon ses détracteurs.
Ainsi au regard de l’absence d’encadrement de son usage, la Ligue des droits de l'Homme (LDH) a sollicité le Conseil d'État afin de saisir les "Sages" sur la question de la conformité aux droits et libertés de cette arme dite "intermédiaire".

Elle a notamment attaqué, au moyen d'une question prioritaire de constitutionnalité, trois articles du code de la sécurité intérieure (L. 435-1 et L. 211-9) et du code pénal (431-3) qui régissent l'utilisation de cette arme.

L'avocat de la LDH, Patrice Spinosi, avait déclaré à l'audience le 3 avril, que « cette absence d'encadrement permet l'usage de cette arme, dans des conditions où elle ne devrait pas être utilisée, ce qui aboutit à un très grand nombre de dérives et de bavures. C'est contraire non seulement à la liberté de manifester, liberté fondamentale, mais aussi au droit à la dignité, au respect de l'intégrité physique ».

Pourtant le Conseil d'État a refusé le 12 avril 2019 de saisir le juge constitutionnel sur le recours au moyen que la loi prévoyait déjà un usage des armes « en cas d'absolue nécessité et de manière strictement proportionnée » et seulement lors « d'attroupements ». Par conséquent ces dispositions « n'ont ni pour objet ni pour effet d'interdire le déroulement de manifestations pacifiques ou de restreindre le droit d'y prendre part », selon la plus haute juridiction administrative.

Saisit une seconde fois par la LDH et la CGT afin de suspendre l’usage du lanceur de balle de défense durant les manifestations le Conseil d’État confirmera le 24 juillet 2019 sa position et affirmera que le LBD constitue « un élément essentiel du dispositif global de maintien de l’ordre sans lequel les forces de l’ordre n’auraient pas pu faire face à des situations de particulière violence », notamment lors du mouvement des gilets jaunes. Il estime alors que les forces de l’ordre respectent des « précautions d’emploi » et que l’arme leur est essentielle en situation de violence.

Un recours encore une fois rejeté par la plus haute juridiction administrative, qui n’a pas donné suite par la suite aux requêtes contre l’usage de la grenade GLI-F4, ou grenade de désencerclement, également à l’origine de blessures graves de manifestants.

« C’est une véritable occasion manquée de faire évoluer notre législation [...] alors que le défenseur des droits, le parlement européen et l’ONU ont clairement condamné la France pour l’usage de telles armes contre de simples manifestants », a réagi l’avocat de la LDH Patrice Spinosi extrêmement déçu par la décision et la position du Conseil d’État.

Ainsi on ne peut réellement connaitre la position des « Sages » en la matière, ce qui est aurait été très prometteur pour les requérants qui espéraient voir consacrer un « droit constitutionnel de protestation », dans la logique du rapport de force collectif que sous-tend déjà les droits constitutionnels de grève et de se syndiquer. Or en France, les mécanismes permettant de ne pas entraver les forces de l’ordre dans leur action légitime tout en sanctionnant les abus restent à inventer.

 

Nos voisins Européens, un modèle à suivre ? (L’herbe est cette fois ci plus verte ailleurs)

La commissaire aux droits de l’homme du Conseil de l’Europe a rendu public, mardi
26 février 2019, un mémorandum adressé aux autorités françaises concernant le maintien de l’ordre lors des manifestations des « gilets jaunes ». Dunja Mijatovic les invite à « mieux respecter les droits de l’homme », à « ne pas apporter de restrictions excessives à la liberté de réunion pacifique » et à « suspendre l’usage du lanceur de balle de défense ».

La France est quand même le seul pays de l’Union Européenne à utiliser des armes dites
« sublétales » causant de graves blessures et le seul à utiliser les grenades explosives face à ses manifestants. Il faudrait donc s’appuyer sûrement sur les modèles de nos pays voisins
En Allemagne, les grenades offensives ont été progressivement abandonnées et les armes les plus utilisées sont le bâton de protection et de défense, les conteneurs de gaz de défense et les canons à eau. Leurs conditions d’utilisation diffèrent selon les Länder. La formation des forces de sécurité́ est organisée et mise en œuvre au niveau local. La scolarité des agents dure

de 2 ans et demi à trois ans et comporte un enseignement pratique et théorique. Les matières enseignées comportent en particulier le droit et les règles de déontologie et de médiation.
En Belgique, les armes et matériels autorisés sont essentiellement les canons à eau, les grenades lacrymogènes et les sprays collectifs, dont l’utilisation est limitée aux situations de violences collectives graves, de légitime défense et sur ordre de l’autorité́ hiérarchique.

Au Royaume-Uni, les forces de l’ordre sont dotées de canons à eau, de bâtons de défense, de grenades fumigènes et de diffuseurs lacrymogènes.

Par l’absence de réponse du Conseil Constitutionnel, La Confédération générale du travail (CGT) ainsi que le Syndicat des avocats de France et le Syndicat de la magistrature ont annoncé avoir saisi la Cour européenne des droits de l’homme (CEDH) pour demander leur interdiction.

Celle-ci avait déjà rejeté en décembre une requête de manifestants touchés par des tirs de LBD, elle a cependant confirmé avoir saisi leurs requêtes.

 

AZIEV Salman, GUERIN Cléa, NITKORY Saida

 

Bibliographie :

http://www.assemblee-nationale.fr/presidence/Rapport-MO-09-01- 18.pdf?fbclid=IwAR2Vzz3hISDTYCpFjX24uab0dH4- P9aEucGEIaE9J_1LZQ7iA_H7rsSxSFQ

https://www.lexpress.fr/actualite/societe/repression-lbd-et-services-publics-le-defenseur-des- droits-sonne-l-alarme_2066574.html

https://www.interieur.gouv.fr/Le-ministre/Actualites/Schema-national-du-maintien-de-l- ordre?fbclid=IwAR37EdBA36cUFoXkLqjaIe_nvObIcfPYSkyuz7EW- 3yrE45TfqdK2OPk2Lo

https://news.konbini.com/societe/maintien-de-lordre-le-defenseur-des-droits-recommande- linterdiction-du-lbd/

https://www.lefigaro.fr/flash-actu/le-conseil-constitutionnel-ne-sera-pas-saisi-sur-le-lbd- 20190412 https://www.cabinet-briard.com/utilisation-des-lanceurs-de-balles-de-defense-lbd-et-liberte- de-manifester-une-illustration-rigoureuse-et-realiste-du-controle-de-proportionnalite-opere- par-le-juge-administratif/

https://www.defenseurdesdroits.fr/fr/communique-de-presse/2020/07/maintien-de-lordre-les- recommandations-generales-du-defenseur- des?fbclid=IwAR26VS1bmpv6rurVIf62ypOcKtEaVZSHyziSWNiksvxiHL9fiajxjv1mbM0

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