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Revue des droits et libertés constitutionnelles

Revue des droits et libertés constitutionnelles

Chaque semaine, des articles, interviews, enquêtes sur les droits et libertés constitutionnelles seront produites par les étudiants en droit public.


L’avènement, au moyen de la question prioritaire de constitutionnalité, de l’interprétation de la Déclaration des droits de l’Homme et du citoyen de 1789, par le juge constitutionnel

Publié par C-Net ! sur 22 Novembre 2020, 17:44pm

Estampe Déclaration des droits de l'Homme et du citoyen de 17 articles votés par l'Assemblée Constituante en totalité le 26 août 1789. Créateur Letourmi (Orléans). Musée de la Révolution française.

Estampe Déclaration des droits de l'Homme et du citoyen de 17 articles votés par l'Assemblée Constituante en totalité le 26 août 1789. Créateur Letourmi (Orléans). Musée de la Révolution française.

La Constitution est composée de deux grands ensembles, qui forment un "bloc de constitutionnalité". Le premier est le corps du texte constitutionnel, c'est-à-dire, de l'article 1 à l'article 89. Sont concernés majoritairement des questions d'organisation des pouvoirs publics.

Le second ensemble est composé de la Déclaration des Droits de l'Homme et du Citoyen

(DDHC) de 1789, du Préambule de la Constitution de 1946, et de la Charte de l'environnement de 2004. Ce préambule a valeur constitutionnelle depuis la décision du Conseil constitutionnel du 16 juillet 1971, "Liberté d'association".

En effet c’est seulement à partir de la décision du 16 juillet 1971, dite liberté d'association, que le Conseil constitutionnel incorpore au bloc de constitutionnalité, vis-à-vis duquel il exerce son contrôle de constitutionnalité, les normes citées dans le préambule de la Constitution du 4 octobre 1958, soit, entre autres, de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen de 1789 et du Préambule de la Constitution du 27 octobre 1946. 

La Déclaration de 1789 est depuis une norme de référence du contrôle de constitutionnalité exercé par le Conseil constitutionnel (décisions n°71-44 DC du 16 juillet 1971 et 73-51 DC du 27 décembre 1973). C'est dire que les droits et principes définis en 1789 ont « pleine valeur constitutionnelle » (décision n° 81-132 DC du 16 janvier 1982).

Depuis la révision de juillet 2008, le Conseil peut contrôler la conformité d’une disposition de loi déjà entrée en vigueur et éventuellement l’abroger, s’il a été saisi sur renvoi par le Conseil d’État ou par la Cour de cassation d’une question prioritaire de constitutionnalité (QPC). Cette procédure intervient lorsqu'une personne, partie à un procès, soutient que cette disposition législative porte atteinte aux droits et libertés garantis par la Constitution.

Hauriou pensait que la DDHC avait une légitimité constitutionnelle et que donc elle se situait au-delà du pouvoir constituant. Ainsi la séparation des pouvoirs et la garantie des droits sont donc des principes qui doivent être établis et protégés au sein d'une société pour que celle-ci puisse se réclamer d'une constitution légitime.  

L’on vient alors à se demander dans quelle mesure l'interprétation, par les juges du conseil constitutionnel, de la DDHC est-elle mise en exergue par la QPC ? 

Le rôle majeur de la DDHC comme fondement de l’interprétation des juges

Le juge constitutionnel est doté d’un pouvoir d’interprétation, il le fait par la base de la Constitution, en se fondant sur divers texte a valeur constitutionnelle comme la Déclaration des Droits de l’Homme et du Citoyen. 

L’interprétation est donc l’opération par laquelle le juge attribut une signification a un texte, mais ainsi cette interprétation n’est nécessaire que lorsque la loi est floue (parfois elle l’est pour laisser une marge d’interprétation aux juges). 

Dès lors, le pouvoir d’interprétation crée du droit, mais il est possible de constater que l’interprétation des nouvelles lois se fait au regarde majoritairement de la Déclaration universelle des droits de l’Homme et du Citoyen. Ce qui limite ce pouvoir au bon respect des normes constitutionnels. 

Le doyen George Vedel dit que « le gouvernement des juges commence quand ceux-ci ne se contentent pas d’appliquer ou d’interpréter des textes, mais imposent des normes qui sont en réalité des produits de leur propre esprit. », mais le juge est limité dans son rôle d’interprétation, en effet il doit « s’autolimiter », c’est-à-dire qu’il doit interpréter la loi en droit, et non en politique (paradoxalement beaucoup d’homme politique siègent au Conseil constitutionnel)

La DDHC adoptée le 26 aout 1789, met en valeur nos droits et libertés. 

Les différents droits et libertés :

-Droit à la liberté

-principe d’égalité

-principe de consentement des citoyens a la loi et a l’impôt

-droit de propriété

-droit à la sureté

-non-rétroactivité des lois pénales

-présomption d’innocence

-liberté de penser 

-liberté d’expression

Ainsi, par la diversité des droits, la DDHC est un pilier sur lequel se base la majeure partie des interprétations des juges constitutionnels. Il doit le faire par rapport à des normes extérieures. Il est dans ce cas « chargé de l’harmonisation, par son interprétation unificatrice, sinon conciliatrice des différents textes ». 

La DDHC et les normes constitutionnelles en général, peuvent être parfois incomplète, ainsi le juge va utiliser le « corpus d’interprétativité constitutionnel », c’est-à-dire que le juge peut faire entrer toute norme dans le champ de la Constitution (Serge Surin) pour combler les carences des normes supra législatives. 

Le juge, un garde-fou des dérives de la loi par le biais de la DDHC  

La DDHC est un texte utilisé par le juge constitutionnel a mainte reprise pour juger de l’inconstitutionnalité d’une nouvelle loi, c’est en quelque sorte un « garde-fou ». Divers exemples actuels le démontrent.

Par exemple avec la loi anticasseur. Son article 3 visait à renforcer le maintien de l’ordre public en permettant au préfet d’interdire a une personne de manifester sur la voie publique (pas vraiment remis en cause), c’est surtout que cela leur donné une trop grande marge de manœuvre en violant l’article 10 de la DDHC selon lequel « nul ne doit être inquiété pour ses opinions, même religieuses, pourvue que leur manifestations ne trouble pas l’ordre public établit par la loi » et l’article 11 « la libre communication des pensées et des opinions est un des droits les plus précieux de l’homme : tout citoyen peut donc parler, écrire, imprimer librement, sauf pour répondre à l’abus de cette liberté dans les cas déterminés par la loi ».

Dans une décision du 4 avril 2019, le Conseil constitutionnel censure cette loi.  Les sages s’appuyant sur divers principes, ce large panel de droit permet une protection renforcée contre les dérives des lois.

Une autre loi liberticide a été pareillement censuré par les sages, la loi dite « Avia » (sa rédactrice). Le 18 juin les juges ont considéré que « le législateur a porté à la liberté d’expression et de communication une atteinte qui n’est pas adaptée, nécessaire et proportionnée au but poursuivi ». Cette loi visait à faire retirer les contenus jugés « haineux » dans un délai de vingt-quatre heures, ce qui en réalité est impossible aux vues des tonnes de flux sur internet.  

Cette loi portait atteinte « à la liberté d’expression et de communication », la rigidité de la loi pouvait « inciter les opérateurs de plateforme en ligne à retirer les contenus qui leur sont signalés, qu’ils soient ou non manifestement illicites » (délai de 24h). 

La consolidation de la DDHC au moyen de la QPC   

Dans le cadre du contrôle de constitutionnalité des lois, a priori ou a posteriori, le Conseil constitutionnel veille au respect des droits et libertés garantis par la Constitution. En particulier, il vérifie si les limitations à ces droits et libertés sont justifiées et proportionnées au regard de l’objectif poursuivi et ce au travers d’une voie juridictionnelle spécifique permettant de protéger ces droits et libertés : la question prioritaire de constitutionnalité (QPC). Celle-ci fut introduite de par la révision constitutionnelle du 23 juillet 2008. L'article 16 de la DDHC, qui stipule que "Toute société dans laquelle la garantie des droits n'est pas assurée ni la séparation des pouvoirs déterminée, n'a point de Constitution", vient certes informer des conditions sine qua none de l'existence et de la validité d'une constitution mais pas que. En effet il vient se poser en clé de voute des droits et libertés.

Ainsi la garantie des droits et libertés constitue un élément essentiel de définition de la notion de Constitution au travers notamment de cet article 16 qui assure de par la question prioritaire de constitutionnalité, la garantie que les autres droits et libertés proclamés par la Constitution seront respectés. Il consacre alors, et en particulier, le droit à un recours effectif devant un juge indépendant et impartial dans le respect des droits de la défense et l'interdiction non justifiée des lois rétroactives. La décision du 16 juillet 1971 sur la liberté d’association, a eu le mérite d’incorporer de façon explicite dans le bloc de constitutionnalité le préambule de la Constitution de 1958 et, à travers lui, le préambule de 1946 et la Déclaration de 1789. Pour autant, elle n’eut aucun effet immédiat sur l’article 16 contrairement à la plupart des autres articles de la Déclaration dont la valeur constitutionnelle fut spécifiquement reconnue bien avant la sienne. C’est la décision du 21 janvier 1994 rendue sur la loi portant diverses dispositions en matière d’urbanisme et de construction (93-335 DC) qui constitue la première décision dans laquelle apparaît l’article 16, en tant que garantie des droits et vont par la suite s’enchainer l’application de cette article 16. Ainsi le Conseil constitutionnel rattache, par sa décision n° 2002-465 DC, aux articles 4 et 16 de la Déclaration le droit au maintien de l’économie des contrats légalement conclus. Le législateur ne saurait alors porter à ces contrats une atteinte qui ne soit justifiée par un motif d’intérêt général suffisant sans méconnaître les exigences résultant de ces articles. Le Conseil constitutionnel par la suite, fait reposer, en 2003, sur l’article 16, les exigences d’indépendance et d’impartialité du juge (2003-466 DC, cons. 23). Cependant c’est dans sa grande décision 2009-595 DC sur la loi organique relative à l’application de l’article 61-1 de la Constitution, qu’il donne un fondement définitif à l’objectif de bonne administration de la justice en le rattachant aux articles 12, 15 et 16 de la Déclaration. Du 1er mars 2010, date d’entrée en vigueur de la QPC, au 1er mars 2014, l’article 16 a été invoqué plus de 150 fois et cité 88 fois intégralement. Il a entraîné 18 réserves d’interprétation, une question préjudicielle à la Cour de justice de l’Union européenne et la censure de 38 dispositions législatives. On peut de ce fait constater que l’article 16 constitue dès lors un article phare essentiel aux droits et libertés et c’est ainsi qu’il est fréquemment invoqué à l’appui des QPC, en tant que garant des droits. Toutefois il vient aussi et ce régulièrement au soutien des autres droits et libertés de la Déclaration. Car c'est par son invocation lors de QPC que le juge constitutionnel applique davantage la Déclaration dans les décisions constitutionnelles.

L’invocabilité de la DDHC face au juge constitutionnel 

Les droits individuels ne sont pas absolus et l'intérêt général prime parfois à leur détriment. Cela signifie que le juge constitutionnel doit concilier les différentes exigences constitutionnelles, tant à travers la Déclaration qu'à travers les autres normes de la Constitution.

Dans le cadre du contrôle a priori, la décision n° 2011-625 DC du 10 mars 2011, rendue à propos de la loi d’orientation et de programmation pour la performance de la sécurité intérieure, avait précisé la portée normative de l’article 12 de la Déclaration de 1789. Ce dernier annonce que « La garantie des droits de l’Homme et du Citoyen nécessite une force publique : cette force est donc instituée pour l’avantage de tous, et non pour l’utilité particulière de ceux auxquels elle est confiée ». 

La décision rendue par le Conseil Constitutionnel relative à la QPC du 16 juin 2017,

Association nationale des supporters illustre quant à elle l’invocabilité en QPC de cet article 12 de la DDHC. En effet la solution de la décision rendue par les Sages le 16 juin 2017, affirme que les dispositions législatives relatives au refus d'accès à une enceinte sportive et à l'établissement d'un fichier d'exclusion des supporters ne portent pas atteinte à la liberté d'aller et de venir et au droit au respect de la vie privée. 

En effet l’association requérante conteste le décret n° 2016-1954 du 28 décembre 2016 et reproche à la disposition législative du dit décret, de confier des pouvoirs de police à une personne privée, en violation de l’article 12 de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen de 1789. Cet article n’ayant jamais fait l’objet d’une décision QPC, est ici interprété par le Conseil constitutionnel en ce qu’il interdit la délégation à une personne privée des compétences de police administrative générale inhérentes à l’exercice de la « force publique » nécessaire à la garantie des droits. Dès lors, les griefs tirés de la méconnaissance du principe de légalité des délits et des peines, de la présomption d'innocence et des droits de la défense sont inopérants en l’espèce.

 

 

AZIEV Salman, GUERIN Cléa, NITKORY Saida

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