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Revue des droits et libertés constitutionnelles

Revue des droits et libertés constitutionnelles

Chaque semaine, des articles, interviews, enquêtes sur les droits et libertés constitutionnelles seront produites par les étudiants en droit public.


Les interprétations juridiques du droit à la vie: entre Déclaration des droits de l’Homme et du Citoyen et Conseil Constitutionnel

Publié par C-Net ! sur 25 Novembre 2019, 10:10am

https://fr.aleteia.org/2013/12/05/droit-a-la-vie-liberte-de-conscience-appel-au-rejet-du-projet-de-resolution-estrela-au-parlement-europeen/

https://fr.aleteia.org/2013/12/05/droit-a-la-vie-liberte-de-conscience-appel-au-rejet-du-projet-de-resolution-estrela-au-parlement-europeen/

Le droit à la vie dans la déclaration des droits de l’Homme et du Citoyen en 1789

« Il n’y a qu’un droit fondamental, tous les autres sont ses conséquences ou corollaires : le droit de chaque homme sur sa propre vie. » énonçait Baptiste Créteur. Si le droit à la vie à été consacré dans la Déclaration des Droits de l’Homme et du Citoyen, l’objectif des révolutionnaires était essentiellement de protéger le droit de propriété afin d’obtenir des garanties contre le pouvoir régnant.

Depuis, des problématiques nouvelles ont émergé au sein de la société, telles que le droit de ne pas procréer ou le droit à la mort. Néanmoins, près de deux siècles après, les juges nationaux et régionaux sont contraints d’effectuer une interprétation large du texte, qui ne respecte pas toujours son sens original.

 

I. Le droit à l’avortement dans la Déclaration des Droits de l’Homme et du Citoyen

La déclaration de Baptiste Créteur est en parfaite adéquation avec le principe de conservation des droits naturels et imprescriptibles énoncé à l’article 2 de la Déclaration des Droits de l’Homme et du Citoyen. Si en 1789, aucune déclaration précise ne mentionnait l’avortement, l’article 6 dispose que « la loi est l’expression de la volonté générale », il a alors été nécessaire d’user de cet article pour palier aux problématiques contemporaines.
Les juges régionaux et nationaux ont alors étés contraints d’apprécier très largement ce texte ancien, afin de l’adapter aux attentes d’une société mouvante.
En France, après de nombreuses discussions, deux lois sont adoptées en 1979 et 1982, « tolérant » l’avortement. Une loi de 2001 permettra deux situations : l’interruption médicale de grossesse et l’interruption volontaire de grossesse sous conditions.
De vives discussions naissent en 2003 lorsqu’un délit « d’interruption volontaire de grossesse » est instauré par le biais d’une discussion au parlement sur la criminalité organisée. L’objectif était notamment de sanctionner les accidents survenus sur les fœtus lors d’interventions médicales. Si l’amendement à été abandonné, après une décision de la cour Européenne des droits de l’homme (Thi-No-Vo, contre France 10 décembre 2013), l’article 16 du code civil Français garantissant toujours « le respect de l’être humain dès le commencement de la vie », restera toujours un argument pour les partisans de ce délit. 
Si les femmes sont aujourd’hui libres de disposer de leur corps, la cour Européenne des droits de l’Homme ainsi que la cour de cassation Française sont venus reconnaître un droit à s’ « opposer à l’avortement». En droit Européen et national, il est admis que la liberté d’opinion puisse être restreinte par des mesures nécessaires à la protection de la santé ou nécessaires à la protection d’autrui. La Cour Européenne des Droits de l’Homme n ‘hésitera pas à condamner les Etats empêchant la distribution de tracts mentionnant les noms de médecins pratiquant l’avortement (CEDH, 26 novembre 2015, Annen C/ ALL), elle sanctionnera également les actes privant les individus de leurs droits acquis à l’avortement, tout en admettant que certains pays conservent l’interdiction de telles pratiques.

Ces divergences d’interprétations, ces conservations de régimes spéciaux démontrent le flou juridique concernant l’avortement au niveau Européen. Aucun droit n’est garantit aux femmes. Ces pratiques deviennent problématiques dans un contexte de mondialisation, ou les femmes ont simplement à passer la frontière pour palier à des interdictions. Sans nul doute sont elles causées par une absence de reconnaissance claire du droit à l’avortement par la Déclaration des Droits de l’Homme de 1789. Ce vide ne peut être expliqué autrement que par la vétusté du texte et de fait, son incapacité à répondre aux problématiques actuelles. Les juges régionaux et nationaux sont alors contraints d’effectuer un contrôle de proportionnalité entre ces droits, qui revient à une opération subjective.

 

II. La nouvelle préoccupation juridique du suicide assisté

 

Le droit à la vie est un des premiers droits proclamé par la Convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales. Il est considéré comme «  le droit humain le plus fondamental de tous  » mais surtout comme «  la condition d’exercice de tous les autres  ».  Ce droit est encadré par l’article 2 de la Convention européenne des droits de l’homme évoquant la légitime défense, l’arrestation régulière et la répression d’une émeute conformément à la loi comme étant des conditions n'infligeant pas une violation au droit à la vie (à condition que le recours à la force soit nécessaire).

 

Récemment, la demande de reconnaissance d’un droit à mourir, soit par euthanasie, soit par suicide assisté, apparait. La question sur le suicide assisté entre ainsi dans le débat public et plus précisément dans le débat de la bioéthique au vue de l'évolution constante de la médecine qui, peut, créer des situations de survie préoccupantes. La demande de reconnaissance de ce droit s’est réalisée sur la base de l’article 2 et l’article 8 Convention européenne des droits de l’homme qui prévoit le respect de la vie privée et familiale.

La question relative au suicide assistée et à l'euthanasie occupe donc les débats publics en France. En effet,  une fragilité au niveau juridique, éthique et médicale est reprochée à ce droit.

La loi de 2016 créant de nouveaux droits à l'égard des malades et des personnes en fin de vie, dite "loi Claeys Leonetti ne met pas fin pourtant à ces débats, sur l'autorisation de la pratique de l'euthanasie et du suicide assisté. Des patients français pensent donc ne plus avoir le choix que de partir à l'étranger pour exercer ce droit qui continue de faire débat.

En effet, l'opinion publique est mitigée entre ceux qui dénoncent l’indignité de certaines conditions actuelles tenant à la survie des patients et  ceux qui s'opposent catégoriquement au droit de mourir.

La jurisprudence quant à elle fait un pas sur cette problématique et ce «  droit  » se cristallise par une succession d’arrêts depuis l’affaire Pretty contre Royaume-Uni. Il convient de rappeler que quatre pays européens ont admis la pratique du suicide assisté et pour certains d’entre eux, l’euthanasie active. Il y a les Pays-Bas avec la loi du 12 avril 2001, la Belgique avec la loi du 28 mai 2002 et le Luxembourg avec la loi du 16 mars 2009. Cependant, la Suisse accorde l’assistance au suicide lorsque le motif n’est pas égoïste. Cependant elle interdit strictement l’euthanasie. À titre d’illustration, en Belgique, officiellement, une demande d’euthanasie est formulée tous les mois mais 60% des demandes sont issues de la France. 

 

Dans l’arrêt Pretty, la Cour européenne avait déclaré ne pas pouvoir «  exclure que le fait d’empêcher par la loi la requérante d’exercer son choix d’éviter ce qui, à ses yeux, constituera une fin de vie indigne et pénible représente une atteinte au droit de l’intéressée au respect de sa vie privée, au sens de l’article 8 § 1 de la Convention  ». La Cour ajoute aussi que «  l’article 2 ne saurait, sans distorsion de langage, être interprété comme conférant un droit diamétralement opposé, à savoir un droit à mourir  ; il ne saurait davantage créer un droit à l’autodétermination en ce sens qu’il donnerait à tout individu le droit de choisir la mort plutôt que la vie    »

 

Dans l’arrêt Hass contre la Suisse, la Cour précise l’existence, dans l’ombre de l’article 8, d’un «  droit d’un individu de décider de quelle manière et à quel moment sa vie doit prendre fin, à condition qu’il soit en mesure de forger librement sa propre volonté à ce propos et d’agir en conséquence  »  et introduit le fait que les États puissent avoir «  une obligation positive d’adopter des mesures permettant de faciliter la commission d’un suicide dans la dignité  ».

Selon la Cour, le suicide serait une expression de l’autonomie individuelle et de ce fait le suicide assisté trouverait sa cause dans la liberté.

 

Une évolution juridique est intéressante à relever dans le droit interne en France. Cette évolution est intimement lié à l’influence du droit communautaire et de la jurisprudence de la Cour européenne des droits de l’Homme. En l’espèce, la Déclaration des Droits de l’Homme et du Citoyen est dépassée quant à la question du suicide assisté et les rédacteurs n’ont jamais prévus cette hypothèse. C’est donc la justice européenne qui va devenir le fer de lance du suicidé assisté. En soit, la Cour européenne donne une assez large marge d'appréciation aux Etats parties lorsqu'est en cause le « suicide assisté », l'arrêt d'un traitement médical maintenant artificiellement une personne en vie. Elle pratique un contrôle assez souple, vérifiant l'absence de disproportion ou la garantie d'un juste équilibre. Le Conseil constitutionnel semble lui absent dans ce contrôle.  Le Conseil constitutionnel n’a jamais consacré, expressément, de droit constitutionnel à la vie. Il garde une position très protectrice et très conservatrice quant à cette question.  Le 28 juin 2019 les juges de la Cour de cassation casse et annule l'arrêt du 20 mai de la Cour d'appel de Paris  qui obligeait la reprise des traitements dans le cas Lambert. L'arrêt des soins est ainsi mis en œuvre le 2 juillet 2019 par l'équipe médicale. C'est donc le cas Lambert qui a relancé le débat sur la question relative à la fin de vie. C’est donc la Cour de cassation qui se place en tant que pionnière avec ce revirement de jurisprudence.

 

 

Conclusion :

L’ensemble de ces éléments démontre la vétusté d’un texte, et les divergences d’applications qui peuvent en ressortir. La Déclaration des Droits de l’Homme et du Citoyen est donc un texte majeur, mais dont l’efficacité à été altéré par les années.

 

Khalil Sadick Djalal, Abbygaelle Slonina, Kara Sinem, Kara Tansu, Roca Guillaume.

 

Bibliographie:

 

  • DOUWE  Korff,  « Le droit à la vie  : Un guide sur la mise en œuvre de l’article 2 de la Convention européenne des Droits de l’Homme »,  Ed. Conseil de l'Europe, Février 2017, coll.  «  Précis sur les droits de l’homme  ».

-  SUDRE Frédéric,  « La convention européenne des droits de l’homme », Presses Universitaires de France, Juin 2004, coll.  «  Que sais-je ?  »,  juin 2004,

  •  MEHR Martial, «  En Belgique, 60 % des demandes d'euthanasie sont issues de la France. », L’indépendant, 21 mai 2019.
  • Conseil Constitutionnel, « Union nationale des associations de familles de traumatisés crâniens et de cérébro-lésés (UNAFTC) (Procédure collégiale préalable à la décision de limitation ou d’arrêt des traitements d’une personne hors d’état d’exprimer sa volonté) »,  Décision n° 2017-632 QPC du 2 juin 2017.
  • CRETEUR Baptiste « Ayn Rand : A comme Altruisme », Contrepoints, 7 octobre 2012.
  • CEDH, « Open Door et Dublin Well Woman c/ Irlande », 29 octobre 1992
  • CEDH, « Annen c/ ALL », 26 novembre 2015.
  • CEDH, « Haas c/ Suisse », 20 juin 2011.
  • CEDH, « Pretty c/ Royaume-Uni », 29 avril 2002.

 

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