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Revue des droits et libertés constitutionnelles

Revue des droits et libertés constitutionnelles

Chaque semaine, des articles, interviews, enquêtes sur les droits et libertés constitutionnelles seront produites par les étudiants en droit public.


La recherche embryonnaire : Une nouvelle évolution en accord avec les principes fondamentaux défendus par le Conseil Constitutionnel

Publié par C-Net ! sur 25 Novembre 2019, 10:19am

Recherche sur l'embryon humain : les enjeux de la nouvelle loi

« Chloé Rimailho », « Recherche sur l'embryon humain : les enjeux de la nouvelle loi », le journal des femmes, [en ligne], 2013, https://sante.journaldesfemmes.fr/magazine/1144309-recherche-sur-l-embryon-humain-les-enjeux-de-la-nouvelle-loi/.

 

La bioéthique est une réflexion sur les progrès de la recherche dans les domaines de la biologie, de la médecine et de la santé. Ce néologisme né dans les années 1970 regroupe ainsi les questions éthiques, ou morales, posées par ces avancées technologiques ou scientifiques, et l’impact qu’elles peuvent avoir sur l’être humain. Cela va de la relation médecin-patient aux questions plus vastes posées par la santé publique et les sciences humaines, ainsi qu'aux problèmes écologiques tels que le changement climatique. Il s’agit ainsi d’un travail commun à la croisée de plusieurs disciplines : science, philosophie, droit, médecine.

            Si la réflexion à laquelle nous invite la bioéthique dépasse largement le seul champ de la science, c’est parce que les découvertes scientifiques qu’elle interroge peuvent, par leurs usages, remodeler en profondeur notre société voire notre définition de l’individu. La bioéthique appelle notamment à réfléchir aux « dérives » éventuelles que peuvent engendrer de tels progrès, dans la recherche, dans l’application d’un traitement ou d’une technique de soin à des fins non-médicales… et, de ce fait, elle appelle à réfléchir aux limites à poser pour éviter que l’Homme ne nuise à son semblable.

            De ce fait, il y a souvent débat en matière de bioéthique, les questions peuvent par exemple être liés au clonage humain, l’avortement, la procréation médicalement assistée, la manipulation d’embryons humains, les « bébés médicaments », la gestation pour autrui, l’euthanasie, etc. Il est donc important que le droit vienne poser des limites à la réflexion scientifique afin de veiller au respect de la personne humaine.

Chronologie juridique de 1983 à 2011

La recherche embryonnaire étant l’un des développements de la bioéthique, il est donc normal que son histoire commence par les débuts juridiques et hésitants.

Ainsi, le 23 février 1983, émane un décret qui crée le Comité consultatif national d’éthique pour les sciences de la vie et de la santé (CCNE).

La loi du 20 décembre 1988, relative à la protection des personnes dans la recherche biomédicale (dite "loi Huriet"), comble le vide juridique concernant l’expérimentation des médicaments sur l’être humain.

La législation va plus loin en s’intéressant aux diverses branches composant la bioéthique, dont notamment les recherches embryonnaires. La première loi (94-548) de bioéthique, datant du 29 juillet 1994, proscrit, de façon « absolue », la recherche sur l’embryon et les cellules souches embryonnaires, garantissant ainsi les principes généraux de protection de la personne humaine qui ont été introduits dans le Code civil.

Pourtant en 2002, l’Assemblée Nationale adopte un texte de loi qui prévoit d’autoriser les recherches sur les cellules souches issues d’embryons, dites « surnuméraires ».

Sans renoncer à cette interdiction, la loi du 6 août 2004 (n° 2004-800) réforme le Code de la santé publique de bioéthique et permet ainsi des dérogations pour des recherches sur les cellules souches embryonnaires, « susceptibles de permettre des progrès thérapeutiques majeurs », pour une période limitée à cinq ans.

En 2009, les États généraux de la bioéthique se réunissent et rendent des propositions pour améliorer le texte de loi sur la bioéthique de 2004.

Le 7 juillet 2011, la procédure de révision des lois bioéthique se voit précisée : tout projet de réforme devra faire l’objet d’un débat public sous la forme d’états généraux et la loi sera révisée dans un délai de sept ans, au lieu de cinq.

Une pratique très encadrée en France

C’est avec la décision de 1971 relative à la loi sur la liberté d’association que le Conseil Constitutionnel devient le gardien des libertés fondamentales en intégrant dans le bloc de constitutionnalité le préambule de la Constitution de 1958. La Déclaration des Droits de l’Homme et du Citoyen fait également son apparition dans le droit constitutionnel. Cette même année, le législateur avait, déjà adopté un texte relatif à l’embryon humain : la loi relative à l’interruption volontaire de grossesse. Si cette loi se rapportait à l’embryon in vivo, et non in vitro, comme ce peut être le cas des textes directement visés par les présents développements, il faut noter qu’elle permit au Conseil Constitutionnel de poser les premières bases des exigences supra legem relatives à l’embryon.

Dans sa décision du 15 janvier 1975, le Conseil avait jugé « que la loi relative à l’interruption volontaire de la grossesse respecte la liberté des personnes appelées à recourir ou à participer à une interruption de grossesse, qu’il s’agisse d’une situation de détresse ou d’un motif thérapeutique ; que, dès lors, elle ne porte pas atteinte au principe de liberté posé à l’article 2 de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen ».

La loi du 29 juillet 1994 permet la destruction des embryons surnuméraires à la demande du couple ou en dehors de toute demande, lorsque le couple ne réitérait pas sa volonté qu’ils soient conservés. Elle refuse que l’embryon devienne une source de savoir en posant un principe d’interdiction de toute recherche sur l’embryon. La loi du 6 août 2004 modère la rigueur de cette prescription en l’appareillant d’un principe dérogatoire. Elle permet la recherche sur les embryons surnuméraires et les cellules souches sur une durée de cinq ans, selon deux conditions : que cela offre des progrès thérapeutiques majeurs et que ces recherches ne poursuivent une méthode alternative d’efficacité comparable en l’état des connaissances scientifiques.
Lors de la révision de la loi de 2004 par celle du 7 juillet 2011, le législateur modernise le droit entourant ce domaine, mais lentement.

La validation de la recherche embryonnaire par la décision du Conseil Constitutionnel 

En 2013 un groupe de député va saisir le Conseil Constitutionnel pour que celui-ci reconnaisse l’inconstitutionnalité de la loi du 6 Aout 2013 tendant à modifier la loi du 7 juillet 2011 relative à la bioéthique. Elle autorise sous certaines conditions la recherche embryonnaire. Par sa décision du 1er Aout 2013, le Conseil Constitutionnel va décider que cette loi est conforme à la Constitution.

Il y a plusieurs choses intéressantes à relever avant d’aller plus loin. D’abord cette saisine, prévue par l’article 61 de la Constitution, est effectuée avant la promulgation de la loi. Ce qui peut traduire une certaine importance de cette loi. Et puis le Conseil Constitutionnel va valider cette loi mais cela ne veut pas dire qu’il valide pour la première fois les recherches embryonnaires. Ce qui va être important de relever, c’est qu’avec cette loi, la recherche sur l’embryon passe d’un régime d’interdiction avec dérogation, à un régime d’autorisation encadrée. Ceci avait été recommandé par une étude du Conseil d’Etat en 2009.

Il y a plusieurs griefs qui sont faits par le groupe de député concernant le nouvel article L. 2151-5 du code de la santé publique introduit par la loi déférée. L’un est tiré de la méconnaissance de règles de procédure. Deux sont tirés de la méconnaissance de règles de fond. Le dernier grief est tiré de l’atteinte au principe de sauvegarde de la dignité de la personne humaine. Pour arriver à la décision de la constitutionnalité de la loi de 2013, le Conseil va, dans plusieurs de ces considérants, se fonder sur la déclaration de 1789 (les articles 4, 5, 6 et 16). Cette utilisation de la DDHC témoigne bien de l’omniprésence de celle-ci dans les décisions du Conseil Constitutionnel. Par le biais du Conseil Constitutionnel il y a une évolution des droits consacrés par la DDHC au regard des questions contemporaines. Ces questions sont polémiques car elles bouleversent notre vision des principes fondamentaux. Dans de nombreuses décisions, le Conseil Constitutionnel cite la DDHC pour décider de la constitutionnalité ou non d’une loi. Son rôle est protecteur puisqu’il vérifie que les lois ne sont pas contraires aux droits fondamentaux des êtres humains.

Les possibilités sans l’encadrement sur la recherche embryonnaire

La manipulation et la recherche sur l’embryon suscite dans tous les cas des polémiques étiques. L’embryon reste parfois pour certains quelques choses de « sacré » comme par exemple le début d’une vie humaine. En France, la recherche embryonnaire reste très conditionnée, avec des lois et des décisions du conseil constitutionnel. De plus d’un point de vue moral, ces recherches peuvent être très poussées et aller au-delà des principes éthiques, ou même au-delà de nos connaissances.

Par exemple à Hong Kong, des manipulations ont été effectuées pour que les nouveaux bébés à naître ne puissent contracter le VIH, donc de les immuniser contre différents virus. De plus, en 2017 au Japon, certains chercheurs ont tenté d’implanter des cellules humaines dans des embryons d’animaux dans l’objectif de faire pousser des organes humains pour ensuite s’en servir aux transplantations. Enfin, en Chine, des chercheurs ont implanté des gènes humains directement dans le cerveau de plusieurs macaques. Des tests ont montrés que ces macaques avaient des meilleures mémoire, réaction, ou cognition que les autres singes, qui n’ont pas été traités.

La chercheuse Vardit Ravitsky souligne que la création d’une créature qui aurait des traits mi-humains, mi-animaux créerait certainement un grand choc pour le grand public. En outre, cela pourrait avoir pour conséquence soit la planète des singes, soit une chimère donc une création ni humain ni animal mais les deux fusionnées. Donc, en France l’article 1er de la DDCH, « Les hommes naissent et demeurent libres et égaux en droits. », ne s’appliquerait même plus à ces êtres. Tout un nouvel univers se formerait. 

 

Par Aurore Devisme, Maguelone Dupouy, Yan Lorenzelli, Lysa Riskieswiez, Charles Bresson et Lauremay Chatelier.

 

Bibliographie :

*Déclaration des droits de l’homme et du citoyen, de 1789.

* Philippe Mercure « Un embryon hybride singe-humain créé en Chine », la presse.ca, [en ligne], 2019, https://www.lapresse.ca/actualites/sciences/201908/09/01-5236941-un-embryon-hybride-singe-humain-cree-en-chine.php

*Par le magazine Marianne, « Pour la première fois, le Japon autorise la création d'embryons humains-animaux », Marianne, [en ligne], 2019, https://www.marianne.net/monde/pour-la-premiere-fois-le-japon-autorise-la-creation-d-embryons-humains-animaux

*Guillaume Levrier, « Bébés génétiquement modifés : la Chine et la recherche sur l'embryon », sciencspo, [en ligne], 2018, https://www.sciencespo.fr/actualites/actualit%C3%A9s/b%C3%A9b%C3%A9s-g%C3%A9n%C3%A9tiquement-modif%C3%A9s-la-chine-et-la-recherche-sur-lembryon/3880

* « La révision des lois de bioéthique », Étude adoptée par l’assemblée générale plénière le 9 avril 2009. Collection « Les études du Conseil d’État », La Documentation française, 2009.

* Décision n° 2013-674 DC du 1er août 2013, Loi tendant à modifier la loi n° 2011-814 du 7 juillet 2011 relative à la bioéthique en autorisant sous certaines conditions la recherche sur l'embryon et les cellules souches embryonnaires [en ligne]https://www.conseil-constitutionnel.fr/decision/2013/2013674DC.htm

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