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Revue des droits et libertés constitutionnelles

Revue des droits et libertés constitutionnelles

Chaque semaine, des articles, interviews, enquêtes sur les droits et libertés constitutionnelles seront produites par les étudiants en droit public.


La QPC: vers un droit constitutionnel de la famille

Publié par C-Net ! sur 11 Octobre 2020, 18:11pm

La QPC: vers un droit constitutionnel de la famille

Source : Montage du groupe

La QPC : vers un droit constitutionnel de la famille 

Le Conseil constitutionnel est le « juge qui dit le droit, et non juge qui « gouverne » » (J. Robert); « il n’est pas un arbitre. Il n’est pas davantage un organe de décision politique ; il est chargé de dire le droit, de veiller au respect des règles constitutionnelles ». (Conseil constitutionnel), déc. n 74-54 DC du 15 janvier 1975). 

L’introduction de la question prioritaire de constitutionnalité (QPC) au travers de la loi constitutionnelle du 23 juillet 2008 a sans aucun doute apporté une nouvelle dynamique dans les interactions entre le champs législatif, judiciaire et le Conseil. C’est un outil « selon lequel il est soutenu, à l’occasion d’une instance en cours devant une juridiction, qu’une disposition législative porte atteinte aux droits et libertés que la Constitution garantit, et dont peut être saisi le Conseil constitutionnel sur renvoi du Conseil d’Etat ou de la Cour de cassation, lesquels remplissent alors un rôle de filtre ». 

La position fermement démocratique du Conseil par l’expression d’un contrôle restreint du respect des normes familiales 

L’année 1974 marque un tournant dans les rapports entre le Conseil et le droit de la famille au travers de la décision du 15 janvier 1975 concernant la loi relative à l’interruption volontaire de grossesse , la déclarant ainsi conforme à la Constitution. Pourtant, ces nouveaux rapports entre le Conseil et le droit de la famille se cristallisent très vite puisque très peu de lois ont fait l’objet d’un recours auprès du juge constitutionnel, comme par exemple la loi du 30 juin 2000 relative à la prestation compensatoire et celle du 26 mai 2004 relative au divorce. 

L’ouverture de l’accès à la QPC en 2008 a permis de façon inédite d’effectuer un contrôle ponctuel des normes législatives sous l’augure des normes constitutionnelles ; l’ouverture de cette saisine à toute personne y ayant intérêt au cours d’un litige, en respectant le caractère sérieux et précis d’une telle requête, a permis au juge constitutionnel de se prononcer de manière plus fréquente. 

Bien que les décisions du Conseil aient une force indiscutable, il se borne à effectuer seulement un contrôle restreint dans une optique démocratique. En effet dans nombre de ses décisions, le Conseil rappelle qu’il ne lui appartient pas « de substituer son appréciation à celle du législateur »; ce premier respecte alors scrupuleusement la séparation des pouvoirs contenue par l’article 16 de la Déclaration de 1789, ainsi que le respect absolu du pouvoir législatif exclusif au Parlement déterminé par l’article 34 de la Constitution ; toute question portée à l’attention du Conseil alors que celle-ci relève de la compétence du Parlement est ainsi vaine puisque, comme en dispose l’article 61 de la Constitution, ce premier contrôle seulement la conformité des lois adoptées envers la Constitution. 

Néanmoins, bien que la procédure de la QPC oblige à respecter le critère de sérieux, l’élargissement de la saisine a permis, à ceux qui y ont intérêt, d’interroger massivement le Conseil sur des questions de société, et d’obtenir un véritable contrôle en opportunité, s’en dégage ainsi le critère alternatif de « nouveauté »; le Conseil constitutionnel se l’approprie afin de l’utiliser comme un outil permettant d’inciter le législateur à intervenir prestement puisque les débats de sociétés sont l’expression de la volonté populaire, et relèvent donc du Parlement. 

Les décisions QPC sur le droit de la famille, reflet d’une attitude anachronique du Conseil constitutionnel  

L’ouverture de la QPC a permis à ceux qui y avaient intérêt d’interroger le juge constitutionnel sur leurs droits familiaux découlant de l’article 4 de la Déclaration de 1789 ainsi que le dixième alinéa du Préambule de 1946 ; le Conseil s’est prononcé à de nombreuses reprises et semble suivre la même logique.


Au titre de la liberté personnelle, le Conseil statue en 2011 que « Le droit de mener une vie familiale normale n’implique pas le droit de se marier pour les couples de même sexe » ; la même année, il déclare que le droit à une vie familiale normale n’instaure pas de droit à la connaissance de ses origines ; et en 2012, il reprend la même logique en énonçant que « le droit au respect de la vie privée, ni le respect de la vie privée ni aucune autre exigence constitutionnelle n’impose que le conjoint d’une personne de nationalité française puisse acquérir la nationalité française à ce titre

». 

Ainsi, le Conseil constitutionnel adapte son comportement à la saisine en opportunité ; il effectue un cloisonnement des droits et libertés familiaux en se refusant à attribuer une portée extensive aux normes constitutionnelles. Il se place alors dans une situation conservatrice puisqu’il choisit de préserver un droit établi plutôt que déclarer un statut juridique contra legem; concernant le droit de mener une vie familiale normale, le Conseil indique qu’« un droit de mener une certaine vie, ce n’est pas le droit à un certain statut juridique ».  

L’attitude conservatrice du Conseil constitutionnel est bien plus limpide quant à son traitement des différentes unions. En effet, le principe d’égalité, contenu dans l’article 6 de la Déclaration du 1789, alors invoqué au travers de la QPC du 29 juillet 2011, ne s’applique pas aux différents régimes d’union établis ; le Conseil formule une hiérarchisation entre le mariage, le PACS et le concubinage. De ce fait, il reste attaché à la finalité et au sens doctrinal de chacune de ces unions, ainsi qu’aux spécificités et obligations qu’elles incombent ; comme l’a dit Napoléon Bonaparte, « Les concubins se passent de la loi, la loi se désintéresse d’eux », dans un même registre, le doyen Carbonnier prononça qu’ « à chacun sa famille, à chacun ses droits ». 

Ainsi, lorsque le débat tire ses racines de la sphère politique et non pas juridique, le Conseil reste vigilant et se refuse à faire une interprétation extensive des droits et libertés déjà établis par les organes parlementaires. 

Les divergences européennes et constitutionnelles sur le droit à mener une vie familiale normale, reflétées par la QPC 

L’évolution des normes internes est incontestablement concomitante au droit communautaire ainsi qu’au droit international puisque l’article 55 de la Constitution assure une valeur supra legem aux traités et accords internationaux. De ce fait, les normes prétoriennes de la CEDH s’intègrent au bloc législatif français au travers de l’obligation de transposition de l’Etat membre. Cette Cour entreprend une conception large des principes de vie privée et familiale en application de l’article 8 de la Convention européenne des droits de l’homme. 

Il fut un temps où la CEDH menait une action forte sur le droit français afin de modifier certaines normes, historiques, dans un souci d’égalité et de dignité de la personne ; la loi du 3 décembre 2001 consacrant l’égalité successorale des enfants nés hors et en mariage modifie, pour des raisons évidentes, l’héritage du Code civil napoléonien. 

Ainsi, le droit positif fut à nombreuses reprises modifié après que l’Etat français soit pointé du doigt sur des normes anachroniques. 

L’attitude de la CEDH contraste alors avec le comportement conservateur du Conseil constitutionnel ; là où la CEDH trouve des solutions à des débats de société et adopte une position extensive des normes relatives au droit de la famille, le Conseil constitutionnel se contracte et s’auto- limite. Ceci renvoie par conséquent au perpétuel débat de la hiérarchisation des normes constitutionnelles et internationales sur la pyramide des normes, dont la conclusion varie selon l’orientation internaliste ou internationaliste de ceux qui pensent cet enjeu de pouvoir. 

Ainsi, on peut s’interroger sur les interactions indirectes qu’entretiennent la Cour de Strasbourg avec le conseil ; est-il complémentaire ou antagoniste ? Bien que cette question reste en suspens, le comportement de ces deux juridictions est parfois analogue. En effet la Cour statue que « l’article 14 n’empêche pas une différence de traitement si elle repose sur une appréciation objective de circonstances de fait essentiellement différentes et si, s’inspirant de l’intérêt public, elle ménage un juste équilibre entre la sauvegarde des intérêts de la communauté et le respect des droits et libertés garantis par la Convention » ; un parti pris similaire à celui du Conseil cité plus haut concernant les distinctions juridiques entre les différentes unions maritales. 

Enfin, il est certain que la CEDH a perdu son influence sur le droit interne de la famille. Ceci s’exprime par une série de jurisprudences comme l’arrêt Lambert du 5 juin 2015, l’arrêt Mandet du 14 janvier 2016 et enfin l’arrêt Canonne du 25 juin 2015 ; la Cour se place doucement en retrait afin de faire prévaloir le critère de proportionnalité afin que l’application de la règle ne puisse pas provoquer « une ingérence disproportionnée dans un droit fondamental de la personne en cause ». Marie ALBRICH, Marie ALVEROLA, Nicolas GIROD, Valentin RIO

Bibliographie

  • J. Robert, « La décision du Conseil constitutionnel du 15 janvier1975 sur l'interruption volontaire de grossesse », RIDC, 1975, p. 873, spéc. p. 885.
  • Cons. const., déc. n 74-54 DC du 15 janvier1975, RDP, 1975, p. 185, chr. L. Favoreu et L. Philip ; AJDA, 1975 p. 186.
  • « Vocabulaire juridique », Gérad Cornu, PUF, 11e édition.
  • Décision n°74-54 DC du 15 janvier 1975 relative à l’interruption volontaire de grossesse. - Loi n°2000-596 du 30 juin 2000 relative à la prestation compensatoire en matière de divorce - Loi n°2004-439 du 26 mai 2004 relative au divorce.
  • Loi constitutionnelle n°2008-724 du 23 juillet 2008.
  • CC déc, n° 94-343/344 DC du 27 juillet 1994, cons. 10 ; CC, déc., n°2010-39 QPC ; CC déc., n°

2011-173 QPC ; CC déc., 2012 - 268 QPC - Décision ,°2004-496 DC, 10 juin 2004.

  • Décision n°2009-595 DC ; 3 décembre 2009
  • CC déc. n°2010-92 QPC 28 janvier 2011, Mme Corinne C. Et Sophie H
  • Décisions QPC n°2012-227 et n°2012-264 QPC
  • “L’œuvre du Parlement, la part du Conseil constitutionnel en droit des personnes et de la famille

», F. Chénedé, P. Deumier, Nouveaux cahiers du Conseil constitutionnel n°39, avril 2013.

  • “La Qpc et le droit de la famille au Conseil constitutionnel », J. F de Montgolfer, AJ Famille

2012, p. 578.

  • Loi n° 2001-1135 du 3 déc. 2001 relative aux droits du conjoint survivant et des enfants adultérins et modernisant diverses dispositions de droit successoral
  • Loi n° 2002-305 du 4 mars 2002 relative à l’autorité parentale ; Ordonnance n° 2005-759 du 4 juill. 2005 portant réforme de la filiation
  • CEDH, Guyot c. France, 1er déc. 2005. 
  • “Droit des personnes et de la famille : le nouveau visage de l’influence de la CourEDH », A. S Brun-Wauthier et G. Vial, RDFL 2017, chron. N°16
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